Pendant un quart de siècle, Enric Marco a porté la parole des anciens déportés espagnols en s’inventant un passé dans les camps de la mort. Icône antifranquiste, militant anarchiste, syndicaliste, il avait pourtant créé son martyr de toutes pièces et n’a jamais été interné en Bavière malgré ses nombreux témoignages. « Pourquoi a t-il menti ? Pourquoi l'a t-on cru ? Pourquoi son cas me trouble autant ? » : ce sont les obsessions qui habitent l’écrivain catalan Javier Cercas pour enquêter et faire le récit de ce fait- divers retentissant dans son roman "L'imposteur".

Son imposture est mise au jour par un historien la veille des commémorations du 60e anniversaire de la libération des camps le 8 mai 2005. Enric Marco s’inscrit dans la série des imposteurs se prévalant d’une expérience de déportation qu’ils n’ont jamais connue - Jerzy Kosinski, Benjamin Wilkomirski, Micha Defonseca et d’autres... Toutefois en Espagne, son forfait prend une ampleur particulière, passant du fait-divers au fait de société majeur, secouant un pays où la mémoire de la Seconde Guerre mondiale est largement occultée. Il se penche sur l’imposture… et interroge le rôle du témoignage et de la fiction dans l’Histoire.

Malgré ses résistances et son dégoût du personnage même, l’écrivain catalan Javier Cercas finit par s’emparer de cette histoire. Pendant 9 années, se mettant en scène tel un détective, Cercas sonde l’homme au cours de nombreux entretiens avec Marco et quelques autres protagonistes de l’affaire, collecte des documents, dans une quête inlassable de vérité.

Une matière inédite sur laquelle la réalisatrice Catherine Bernstein s’appuie pour interroger l’écrivain - 10 ans après la parution du roman et 2 ans après la mort d’Enric Marco - sur le processus créatif de son œuvre et les questions sur le vrai et le faux qu’elle soulève aujourd’hui.